Un craquement se fait ressentir. Je déglutis. Je sens ma vie me quitter tandis qu'un étau me serre la patte et me tire vers l'au-delà. Je gémis et tente de m'accrocher aux chaudes parois glissantes. Je n'y parviens pas, si bien que peu de temps après, je ne sens plus rien. Je me contente d'hurler tant cette sensation me consume de l'intérieur.
Quelque chose me soulève par l'arrière de ma tête, je ne peux que me laisser faire étant donné la puissance de cet individu à l'étrange odeur. On me place à côté de celui qui a dû cogiter à l'intérieur avec moi durant tout ce temps vu que je reconnais sans mal son odeur semblable à la mienne. Nous sommes face à un mur de fourrure aux mille odeurs et je me contente d'absorber la moindre goutte de lait tombant de la babine de la promise.
Quelques jours passent et je commence à m'habituer à cet autre présence féline autour de moi. Uniquement deux odeurs différentes viennent à notre rencontre tous les jours, il semblerait qu'il s'agisse de ma mère et sans doute, de mon père. Mon frère doit avoir décidé d'ouvrir les yeux car il ne cesse de me donner des coups de museau pour que moi-même je passe à l'acte. Ma fourrure, depuis ma naissance, était toujours ébouriffé, je le sais car je sentais l'agacement de ma mère à essayer de la lisser tant bien que mal.
C'est alors que je décide d'ouvrir mes yeux, la première chose que je vois c'est la taille imposante de ma mère à la pelisse courte et bicolore. Notre père n'est pas là. Je me tourne vers celui qui me ressemble, mon frère. Contrairement à ce que je pensais jusqu'à ce moment là, il est bien plus grand que moi, les poils ras. Sa musculature est bien plus développée que la mienne et pourtant. Rapidement, ma mère est émerveillée par la couleur de mes yeux mais n'a pas le temps de savourer, mon frère se hâte et m'amène hors de la pouponnière, fier de pouvoir me montrer le monde qu'il a découvert avant moi.
C'est la première fois que je me balade sur le camp du Clan de l'Ombre est pourtant, j'ai l'impression d'avoir toujours foulé ce sol. Mon escapade c'est bien terminé et j'ai rapidement compris la hiérarchie familiale. Le premier était mon père, puis ma mère, mon frère et ensuite moi, j'ignore pourquoi j'étais dernier, je pense que c'était à cause de ma fébrilité. J'ai, également, imprimé que mon frère était le préféré de mon père et peut être même de ma mère.
Les lunes passent avec vitesse et je suis rapidement projeté au rang d'apprenti. Mon père, n'ayant pas d'apprenti, il avait demandé à prendre mon frère et notre ancienne meneuse, Étoile Reptilienne avait accepté lassée de l'entêtement du guerrier. Je ne suis pas jaloux de mon frère, loin de là. J'aurais quand même aimé faire la fierté de notre père comme lui le fais actuellement.
Notre baptême se passe sans encombre et rapidement, je grandis jusqu'à devenir plus grand que mon frère, plus costaud, plus musclé, plus "parfait" aux yeux de notre père pourtant, celui ci reste aussi fidèle à mon frère et ma mère se contente d'admirer ce que devient son frêle fils qui n'était pas censé survivre à une nuit dans la pouponnière.
La perfection de mon frère ne s'arrête pas là. Très hâtivement, son pouvoir apparait et il commence à le maîtriser et à pouvoir lire dans les pensées de tout le monde à tout bout de champs sauf dans les miennes ce qui me rend plutôt heureux, je ne veux pas qu'il sache tout ce que je fais dans son dos. Mon pouvoir ne se déclare pas. La seule "faculté" spéciale que je pourrais avoir est le fait de résister au pouvoir de mon frère.
Avec le temps, je me fais plus beau, plus fort et mieux taillé que mon frère et j'atteins une taille record. Plusieurs femelles m'approchent sans cesse pour essayer de draguer la personne que je suis mais je ne les supporte pas les femelles comme ça. Elle juge uniquement sur le caractère. Et j'en veux pas.
Le lendemain, le soleil est haut dans le ciel lorsque mon frère vint à ma rencontre. Sa tête arrive à peu près au dessus de mon épaule. Il me regarde et semble vouloir me dire quelque chose qu'il pense grave. J'écoute son discours, il est amoureux d'une solitaire, une dénommée Épine. Je ne l'ai jamais croisée et après tout, je m'en fiche de qui mon frère peut aimer du moment qu'il est heureux. Du coup, il m'utilise comme alibi pour chacune de ses escapades nocturnes.
Peu de temps après mon frère semble à nouveau bouleversé par un autre événement mais je n'ai pas le temps de lui demande de ce qu'il s'agit car notre baptême de guerrier arrive. Mon nom est simple, respectant mon nom d'apprenti avec honneur mais mon frère demande subitement un changement de nom, ceci est sans doute lié à ce qu'il vient de se passer.
Après notre baptême, je file à sa rencontre avant que nous fassions notre veillée. Il m'explique ce qu'il lui arrive et je lui explique à la hâte comment il devrait procéder. Je ne pense pas pour lui à ce moment là, je pense comme j'aurais fait dans sa position.
Puis c'est à mon tour, une escapade vers le Ruisseau à tout changé. J'y ai rencontré un femelle et rapidement nous sommes devenus proches. Nous nous sommes revus à mainte reprise pendant des lunes et des lunes. Notre relation n'est qu'amicale au début puis elle devint plus. Nous nous avouons ses sentiments. Et nous décidons d'aller plus loin.
J'explique la situation à mon frère ne voulant pas le laisser dans l'ignorance étant donné qu'il m'a fait confiance je pense pouvoir lui faire en retour. J'ai eu tords. Notre père - qui était lieutenant - a reçu une grave blessure de la part d'une patrouille ennemie et s'est retrouvé trop blessé pour conserver son rôle. Il a donc demandé à notre meneuse de prendre son fils "unique" comme lieutenant et c'est à ce moment là qu'il a prononcé :
« • Afin de prouver que ma loyauté va au Clan de l'Ombre, je vous annonce que mon frère, Mirage des Dunes est actuellement en train de vivre une relation amoureuse avec une chatte ennemie, une chatte du Clan de la Rivière. »La surprise est grande. Je suis retourné. Je ne peux rien faire, mon frère n'est plus le même, il est devenu comme mon père et jamais je ne lui pardonnerais. Je crache avant de voir tout le monde me regarder avec surprise. Je pars en courant, je m'enfuis vers le ruisseau en espérant qu'elle y soit. Je la repère au loin et je m'élance vers elle, pressant ma truffe contre la sienne avec fougue avant de lui lécher le front et de lui expliquer :
« • Mon frère est un traître. Je pensais pouvoir lui faire confiance comme je l'ai fait pour lui mais il est différent. Il est comme notre père. Je t'aime, je vais quitter le Clan de l'Ombre et te rejoindre et nous vivrons tous les deux ensembles ! »Je presse ma truffe contre la sienne, enroule ma queue autour de la sienne, heureux pour la première fois depuis l'aube. Nos hanches s'emboitent et nous allons nous allonger à l'ombre du marronnier se trouvant pas très loin de notre position.
Lorsque je reviens au camp, tous les guerriers me dénigrent sans cesse et n'arrête pas de m'insulter sans aucun remords. Étoile Reptilienne ne m'adresse plus un seul regard et va donner mon jugement. Je risque d'être exilé. Mon frère vint à ma rencontre je me contente de lui flanquer un puissant coup de patte, toutes griffes sorties, dans l'arcade. Je repère alors mon père au loin, accompagné de trois autres guerriers.
Je décide de sortir du camp me rappelant du rendez-vous que j'avais avec ma bien-aimée. Je l'aperçois rapidement à l'horizon et arrive au petit trot contre elle et presse ma truffe contre la sienne avant de m'asseoir à côté d'elle. Son épaisse pelisse est semblable à la mienne bien qu'elle soit plus rousse. Je ronronne, je suis heureux plus qu'à ses côtés. Je presse ma truffe contre la sienne et elle me ronronne :
« • Mirages des Dunes, nous ne serons plus deux très longtemps, j'attends des chatons ! »Son inquiétude et son excitation était palpable dans sa voix. Un puissant bonheur m'envahit. Je ronronne de satisfaction et je presse ma truffe contre la sienne avec fougue avant de l'entendre pousser un cri de surprise et de me sentir écrasé par un poids lourd. J'entends uniquement le gémissement de ma compagne et je grogne. Je regarde devant moi, les deux guerriers qui entouraient mon père toute à l'heure on plaqués la guerrière sur le sol. Je suppose que le troisième est sur moi. Je feule, crache, grogne pour qu'il me lâche mais rien n'y fait. Je suis immobilisé et j'ai bien deviné ce qu'il allait se passer. Je lève les yeux de la pelisse de ma bien-aimée, au loin je reconnais la pelisse de mon père,
quel traître !- /!\ CHOQUANT /!\:
Coincé au sol, je regarde, impuissant cette ignoble scène se passer devant moi. Le mâle de droit, le brun, bloque au sol et met sur le dos ma compagne, l'autre, totalement blanc lui entaille le flanc gauche et arrache le lambeau de peau qu'il tient dans la gueule. Ma compagne gémit et saigne, certes elle saigne mais je suis surpris par la "petite" quantité qui coule comparé à ce que je m'attendais. Le mâle brun choppe la patte arrière de ma bien-aimée entre ses crocs et la tire en arrière, un craquement sourds retentit alors dans l'orée de la forêt. Il fait de même avec la seconde patte arrière.
Je me débats de toute mes forces, crachant, feulant. Je parviens à me dégager mais rapidement un second poids s'abat sur moi, mon père, ce traître. Je pleure et je n'ai aucune honte à pleurer. Ma compagne me regarde horrifiée, supporter son regard m'est impossible mais je le fais pour elle. Aucune femelle ne pourra la remplacer dans mon cœur. Je gémis de douleur pour elle, mes yeux sont embués de larmes tandis que je la regarde, impuissant se faire détruire, membre par membre. C'est triste à dire mais j'aurais préféré qu'il l'a tue un bon coup. Je lève les yeux pour essayer de voir la fourrure de mon père, sans succès.
La matou blanc n'est plus que tâché de rouge. Comme pour me faire souffrir que plus, le matou brun prend l'oreille de ma compagne dans la gueule et l'arrache. Je suis scotché, je ne peux plus bouger. Je la vois, je l'entends me souffler un au revoir, jamais je ne connaîtrais son pouvoir. Jamais je verrais naître nos chatons.
Ses yeux aux couleurs embrasés me regardent sans doute une dernière fois avant que la petite lueur qui a brillé durant des lunes s'apaise. Mais je me doute bien que ce n'est pas fini, elle n'est pas morte, elle est vivante. Elle a survécu à cette tentative d'assassinat. Un des poids dans mon dos s'enlève, je me lève et envois bouler le second mais je n'ai pas le temps, les deux matous saisissent ma bien-aimée et l'a jette dans le profond ruisseau avant de s'enfuir.
Je m'écroule sur la berge, secoué de violent spasme. Ne pouvant que ramper face à la tristesse qui pesait bien plus que les deux matous, je rampe vers la rive, l'eau laisse une traînée rouge ensanglantée à cause du passage de la guerrière sans doute envolée désormais. Je regarde mon reflet dans l'eau, ce n'est pas mon visage mais le sien, souriant. Pendant un instant, je me revois avec elle cette première nuit que nous avons passé ensemble, je soupire mais ce soupir se transforme en sanglot incessant.
Je m'assoupis sur la rive puis je me lève, désespéré, seul à tout jamais. Mon clan ne voudra plus de moi, je décide de partir. De le quitter. J'ignore si j'y parviendrais mais après tout, personne n'a besoin de moi à part ma mère, ma douce mère. Je ne peux pas l'abandonner dans ce monde de brute, il serait capable de lui réserver le même sort. Je descends le long du court d'eau dans l'espoir de pouvoir l'enjamber à un moment donné, je repère un tronc non loin.
Je marche vers ce tronc de chêne qui me paraît solide, je pose mes pattes dessus, il craque légèrement mais rien d'inquiétant, la rage à remplacé la tristesse, une fois sur l'autre rive je regarde la traversée que je viens d'exécuter. A mes pieds, parmi les roseaux, les feuilles mortes je repère ce qui semble être un cadavre, un larme me monte à l'oeil tandis que je remonte le corps de la femelle encore tout ensanglanté, une fois la femelle contre moi sur la berge je lui fait sa toilette et m'endors à ces côtés, au moins, elle aura une veillée.
C'est encore parcouru de sanglots que je me relève les pattes pleines de terre. Personne ne saura qu'elle est enterrée là, ça sera mon petit secret à moi. Je ne fais confiance à plus personne désormais. Tous des traîtres.
Durant une lune je vagabonde dans les terres de l'Ombre et des autres clans pour tenter d'oublier, chaque soir je pleure ma bien aimée jusqu'à ce que j'ai un déclic. Son rêve était de vivre avec moi dans le Clan de l'Ombre. Elle vit en moi, dans ma pensée, il faut que je rejoigne le clan sans me faire remarquer.
Quelques jours plus tard, je décide de réintégrer le clan, je suis surpris de voir que dès mon arrivé, mon frère se tient en haut du promontoire, annonçant son nouveau rang au sein du clan. Tous pousse des feulements en me voyant arriver et mon père semble bien surpris. Tous s'écarte lorsque je m'avance près du promontoire, la haine dans le regard :
« • Tu ne te débarrasseras jamais de moi mon frère. Jamais. »